Vous avez tous reçu par Private Radar l’information sur le décès de Vince, survenu lors d’un entraînement mardi matin 17 novembre à Dubaï. Nous avons pensé avec Pierre Courrier que nous pouvions lui rendre un hommage “à nous”, puisqu’il nous avait fait l’honneur de venir à l’ACD faire ses premières armes aéronautiques à l’intérieur d’une carrosserie d’avion. Pierre Courrier et Alain Serrado évoquent pour nous leur rencontre avec ce personnage hors du commun, cette personne rigoureuse, créative et pourtant humble.
En décembre 2016, il était difficile pour un pilote ‘’jodeliste’’ de réserver le D113 DeltaPapa : matin, midi et soir (ou presque !), réservations multiples au nom de Reffet. Quid ? Un tour au club-house du Versoud… pour rencontrer un charmant garçon discret : Vincent Reffet. Mais pas si ordinaire que ça ! Une fois connu son ‘’métier’’ : jetman, Internet a chauffé, et nombreux sont ceux qui ont visionné des vidéos spectaculaires sur YouTube. Vous voulez mieux connaitre Vincent ? Allez, on commence par le début. Comme Obélix, il va tomber tout jeune dans la marmite du parachutisme : facile, son père est moniteur-para et chef de centre-para dans le nord de la France (Péronne-St Quentin). Premier saut à l’age légal : 15 ans, en 1999. Il ne sortira pas de la marmite, et vivra de sa passion, tant au niveau de la compétition (5 fois champion du monde en free fly que dans le domaine de la réalisation d’images pour divers sponsors (Red Bull, TAG Hauer, etc.). Curieux des choses de l’air, il rajoute, à partir de 2002, le base-jump à sa panoplie d’homme- oiseau. Bilan quantitatif impressionnant : plus de 16 000 sauts en parachute, dont 1000 en base-jump… 2003, nouvelle année-charnière : rencontre avec Yves Rossy, le Jetman suisse. Une mini-aile rigide sur le dos, des petits réacteurs fixés dessus… L’ancien pilote de chasse de l’armée suisse et ex-pilote de Swissair explore un nouveau domaine… Le courant passe entre le pilote Rossy et le para Reffet : le tandem est vite créé, ils vont mettre en commun leurs origines et sensibilités différentes et complémentaires pour améliorer et peaufiner le concept (un second parachutiste va ensuite se joindre à eux pour former le trio actuel). Aujourd’hui, le trio est sponsorisé par l’état de Dubaï, où l’équipe –une dizaine de personnes au total– est basée, et se fait connaître en réalisant moult vidéos exceptionnelles, en vol de patrouille (mais oui !) avec un Airbus A-380 d’Emirates, ou avec les Alphajets de la Patrouille de France en septembre dernier… Revenons sur terre. Vincent, vrai homme-oiseau heureux dans l’air, curieux de tout, veut ajouter une corde à son arc : pilote d’avion ! Recherche d’un aéroclub sympa (c’est nous, l’ACD!). Vincent débarque au Versoud à la mi-décembre 2016. ‘’M’sieur, je voudrais apprendre sur train classique’’ (recommandation d’Y. Rossy). Son instructeur principal, Alain Serrado, le prend sous son aile, et après un entraînement journalier rigoureux, en à peine 10 heures de vol, le lâche ‘’solo’’sur notre Jojo DeltaPapa. Puis
Jetman Jodelman
passage sur Robin pour les entrainements nav. Préparation intensive du théorique, examen… Il espère bien conclure son PPL avant son retour à Dubaï, si la neige gelée qui bloque les pistes du Versoud à l’heure où ces lignes sont écrites –le 21 janvier– le lui permet ! Cerise sur le gateau, Vincent a voulu découvrir quelques autres facettes du vol que lui permettent les avions de l'ACD : plusieurs séances de voltige sur le Cap 10 TangoAlpha avec notre chef pilote Luca Fini, et quelques posés en montagne à Huez et Super Dévoluy ! Une anecdote sur notre vol sur le Mousquetaire PapaTango à Super Dévoluy (spectacle superbe des massifs montagneux : c’était la période de l’anticyclone d’hiver, brouillard en fond de vallée, grand ciel bleu ensoleillé au- dessus) : en s’approchant de l’Obiou majestueux, Vincent nous déclare (j’avais aussi son père comme passager) : ‘’J’ai sauté en base-jump depuis le sommet, puis volé dans le grand ravin là-dessous…’’ Voir le relief en vrai depuis le Mousse et imaginer son ‘’jump’’ est autrement plus impressionnant que de regarder une vidéo… Pendant son séjour au Versoud, sympa avec tout le monde, Vincent ne traînait pas sur les parkings : toujours enfermé dans le bureau d’Alain S. à ‘’bosser’’ ses nav ou son théorique ! En retour, Vincent a fait, à tous les membres de l’ACD un superbe cadeau, le 6 janvier en soirée au Versoud : une conférence sur ses passions de vol : parachutisme, base- jump, jetman, en insistant sur le sérieux des vols, de leur préparation, de leur réalisation… avec des photos et vidéos à couper le souffle ! Tu reviens quand, Vincent ? Pierre Courrier
Il est arrivé à l’aéroclub le lundi 5 décembre 2016 pour apprendre à piloter les avions. Il était midi et Vincent voulait se former sur avion à roulette de queue, le fameux “train classique”. Le choix de l’instructeur étant limité pour ce type de machine, c’est tombé naturellement sur moi. L’après-midi même, la première leçon sur le JODEL D113 F-PJDP eut lieu. Très vite je me suis rendu compte que Vincent avait le sens de l’air mais qu’il était un peu désorienté par le fait d’être enfermé dans un cockpit, lui qui avait toujours l'habitude du contact direct du vent relatif, à tel point qu’il avait du mal à ne pas sortir la main par la portière pour virer à la manière des jetmen ou des wingsuiters ! Nous en avons bien ri.
Son adaptation a été très rapide et 6h45 plus tard, le samedi 10 décembre à midi je le lâchai sur le JODEL. Quelque mois après il était breveté PPL. C’était un garçon d’une méticulosité incroyable, ne laissant rien au hasard, qui s’imposait des plages d’horaires de travail de 8h le matin jusqu’à 20h tant sa soif d’apprendre était grande. Son côté humain était remarquable avec son regard franc et clair, son sourire et sa gentillesse naturelle dont chacun pouvait profiter. Je l’ai accompagné une fois sur un départ de saut en wingsuit et je l’ai suivi du regard tout au long de sa descente et j’ai bien compris que son saut était bien préparé et que le hasard n’y avait pas sa place. Il ne méritait pas ce qui lui est arrivé. J’ai l’impression d’avoir perdu un fils. Alain Serrado
Vincent
Vincent devant le DeltaPapa
Pierre, impressionné, écrivait ces lignes dans notre magazine l’ACD News en cette année 2017. Hélas. Vincent ne reviendra pas.
Alain et Vincent, une belle complicité d’aviateurs au-delà des générations.
Nous avons tous en tête les images de la séquence époustouflante A Door in the Sky, et nous pensons fort à lui, à sa joie de vivre, en la revoyant…