Y viva Espana ! juin 1999
Voyage effectué en juin 1999 avec un Robin DR 400 – GORR – 22 heures de vol.
Evidemment, le puriste remarquera que la typographie de notre titre espagnol laisse à désirer mais on fait avec le clavier que l’on a et aussi, comme vous le verrez plus loin, avec l’avion que l’on a.
C’est ainsi que, début juin, on a décidé de partir pour l’Espagne et le Maroc après avoir dû, comme à l’accoutumée, reporter une première fois ce voyage pour cause de météo.
Tout était bien prévu. Le KJ était retenu à partir du lundi matin et on avait bien fait promettre à Thierry Renaud (croix de bois, croix de fer.... vous connaissez !) qui allait avec 2 autres avions visiter Elbe et le nord de l’Italie, de le ramener le dimanche après midi. On lui avait d’ailleurs conseillé au passage de faire escale à Albenga sur la cote Adriatique. Vous savez tous ce qu’il en est advenu.
On reste d’ailleurs convaincus aujourd’hui encore que c’est pour nous embêter qu’ils ont fait exprès de casser le vilebrequin du KJ à Albenga le dimanche après midi lors de leur retour !
Toujours est-il que, fort logiquement, on s’est retrouvés sans avion à quelques heures du départ. Mais c’est dans ces occasions qu’on voit les chefs (surtout les chefs pilotes !). En moins de rien, Serge nous a dégoté un autre avion, le GORR, sans qu’on sache très bien quels ont été les pilotes victimes de cet acte d’autorité (on n’a d’ailleurs pas cherché à le savoir).
Et c’est ainsi que le lundi matin nous prîmes gracieusement notre envol vers Valence (Espana) prévoyant une escale à Perpignan (douane !), puis une autre à Barcelone. Avec 3 GPS à bord (voyez le sérieux de la préparation), on avait une chance raisonnable de trouver au moins Perpignan.
Ce qui fut fait de façon magistrale et dans les temps prévus. Une escale météo nous apprenait que la suite risquait d’être moins glorieuse (brume, brouillard, visi réduite). Le survol de la mer permettant des niveaux de vol appropriés à ces circonstances météo, on décidait de rallier Sabadell en suivant la côte. Sabadell est le terrain aviation générale de Barcelone et au moins 50 % de l’aviation légère espagnole semble y être rassemblée.
Après une nouvelle séance météo et des discussions avec l’école de pilotage locale, il était alors décidé de nous en tenir là. Il faut en effet savoir qu’en Espagne, si vous arrivez près de votre terrain de destination et que la visibilité horizontale y est inférieure à 4000 voire 5000 mètres, le contrôleur vous refusera l’atterrissage (pas de VFR spécial). Sachant que le terrain de dégagement le plus proche de Valence était à au moins 1 heure de vol, vous vous expliquez mieux la décision.
Donc, on a visité Barcelone ! C’est facile. Il y a une gare type RER près du terrain qui vous permet d’arriver en 30 minutes au centre ville. Et comme en plus, les gens du contrôle sont super sympa, ils nous ont emmenés en voiture à proximité de la gare. Évidemment, il a fallu franchir les voies ferrées à pied en faisant gaffe aux trains, mais apparemment, cela fait partie des coutumes locales !
De notre visite on ne vous dira rien ou presque. Retenez quand même que si vous ne devez voir qu’une chose à Barcelone, ce sera la cathédrale de la Sagrada Familia commencée il y a 100 ans par l’architecte Gaudi. C’est totalement délirant ! sans compter qu’il faudra bien encore 100 ans pour la terminer.
Le lendemain commence par une bonne marche à pied puisque de la gare RER, il a fallu rejoindre notre avion, mais cette fois sans la voiture du contrôle. C’est un peu long et pas très varié. Tout comme la côte que l’on a ensuite suivie jusqu'à Alicante, petit aéroport (du moins nous semblait-il), où nous nous proposions de refaire le plein.
On avait seulement oublié que c’est une des régions les plus fréquentées d’Espagne (le nombre de piscines survolées aurait dû attirer notre attention) et qu’il doit atterrir ou décoller environ 1 charter toutes les minutes. Le contrôleur, lui, avait sûrement oublié que la vitesse d’approche d’un DR 400 n’est pas tout à fait celle d’un A320, ce qui explique qu’après avoir intégré la finale, on a été priés de dégager rapidement l’axe pour laisser passer des touristes pressés d’aller se baigner. Il a d’ailleurs aussi oublié qu’il nous avait envoyés vers le nord et on a dû, très timidement, lui redemander 10 minutes après une nouvelle autorisation.
De l’aéroport d’Alicante, on n’a retenu que la longueur des formalités et du ravitaillement en essence mais aussi la présence d’un bimoteur français tout jaune marqué « Air Pêche ». Son équipage, décontracté, nous expliquant qu’ils détectaient les bancs de thons pour le compte des pêcheurs français on a dû émettre quelques doutes sur leur sérieux (des gens du midi en plus !).
Pensez donc, on nous refaisait le coup des avions renifleurs ! En fait, c’est vrai. Ils font de la détection visuelle à très basse altitude des bancs de thons. Il paraît que ça se voit très bien avec un peu d’habitude. Une fois le banc repéré, sa position est enregistrée au GPS (ça vous savez faire !) puis communiquée aux chalutiers français. Quand on connaît la profonde sympathie qui réunit pêcheurs français et espagnols, on se demande s’il ne s’agit pas d’un métier à hauts risques ! Mais enfin, jusqu’ici, on n’a pas entendu dire qu’un avion d’Air Pêche volant à très basse altitude ait été pris pour cible par un chalutier espagnol !
Quittant alors le domaine maritime pour l’aérien, on est repartis cette fois pour Grenade que l’on se proposait d’atteindre en suivant la côte jusqu'à Motril. Rien de particulier sur cet aérodrome : piste immense, trafic nul, parking vide. Juste un détail : 18 noeuds de vent plein travers. On savait, bien sûr, que le DR 400 est capable de 22 noeuds plein travers (valeur démontrée, dit le manuel !) mais on était moins sûr de la capacité du pilote (non démontrée à cette date). D’où :
- une 1ère tentative par la 09 (le nez de l’avion était bien à 30° de l’axe de piste),
- une 2ème tentative par la 27 (le nez de l’avion était toujours à 30°, mais dans l’autre sens, et le contrôleur pas contrariant)
- une 3ème tentative (réussie) toujours par la 27. Evidemment, on a bien failli terminer un peu dans l’herbe mais le pilote a su faire face.
On est donc maintenant rassurés de savoir que l’on dispose, en plus de l’avion, d’un pilote qualifié pour 18 noeuds plein travers (conditions minimales requises : piste de 3000 m de long et 50 m de large). À propos, Serge, à quand des stages d’entraînement à St Geoirs ?
On boit un coup pour se remettre, on expédie les formalités plus le plan de vol du lendemain (24 heures à l’avance pour le Maroc) et la journée se termine alors par une visite de Grenade. Comme on a commis l’imprudence de louer une voiture, on se rend vite compte que la navigation dans les petites rues de Grenade est très, très, très difficile. C’est vraiment étroit. Là-bas, il vaut mieux disposer d’une commande permettant de replier les rétroviseurs vers la carrosserie lorsque la rue est trop étroite. Comme ce n’était pas le cas de la nôtre, bonjour les dégâts !
Enfin, on a quand même trouvé l’Alhambra ! Et, comme il était tard, on l’a donc visité de nuit. Avec l’éclairage artificiel existant et l’absence de touristes à cette heure, c’est absolument féerique. On comprend que le calife de Grenade ait pleuré lorsqu’il a dû quitter l’Espagne (1492 - la Reconquista, on a pitié de vous !)
Le lendemain est un grand jour ! Pensez donc, on va en Afrique ! En fait, nos prétentions se limitent à Fès, histoire de trouver un peu d’exotisme. On commence donc par un survol de Gibraltar. Le contrôleur (Anglais) nous permet d’en approcher et, vu les conditions (CAVOK), on regrette de ne pas y avoir prévu une escale. Il faut dire qu’il y a 2 pages du Jeppesen pour attirer l’attention des amateurs sur les risques provoqués par les turbulences sur cet aérodrome dès que le vent atteint 10 noeuds ! Compte tenu de l’expérience de Grenade, on écarte prudemment cette escale !
Donc, on ne verra Gibraltar que de haut ; mais c’est quand même étonnant ! On fait 1 tour, 2 tours puis, entrant en pleine aventure, on franchit les quelques 30 km de mer qui nous séparent encore du Maroc où l’on retrouve un contrôle fait exclusivement en Français (en Anglais aussi bien sûr, mais on n’est pas vicieux à ce point).
Le contrôleur lui, l’est un peu plus puisqu’il nous demande sournoisement par quels points de report nous comptons atteindre Fès. Ne les cherchez ni sur les cartes au 1/500 000, ni sur les cartes ELO. Ils n’existent que sur les cartes VFR du Maroc absolument introuvables. Merci, Thierry, de nous avoir prévenus et de nous les avoir prêtées. Ayant ainsi déjoué les traquenards du contrôle (prêt à nous refuser l’accès en cas de mauvaises réponses), nous poursuivons une conversation agréable avec lui.
Il se demande notamment s’il y a un rassemblement prévu à Fès car depuis hier il y a, paraît-t-il, un trafic fou d’avions à destination de cette ville. Après un survol sans histoires d’une zone montagneuse et verdoyante on se prépare donc à affronter l’approche surchargée de Fès. On évite le palais Royal (attention : très important !) et l’on se pose pour découvrir qu’il y a effectivement un avion sur l’aéroport ! C’est celui d’un jeune pilote arrivé hier de Montauban et que l’on avait déjà rencontré à Grenade. Il fait tout le trajet tout seul et ça nous vexe un peu ! Mais enfin, il nous a dit avoir appris à piloter au Versoud, ce qui explique sûrement pareille compétence.
De la visite de la ville que retenir ? Qu’il vaut mieux prendre un guide si vous disposez de peu de temps, que le guide doit être officiel si vous voulez éviter l’arnaque, qu’on s’est fait arnaquer quand même (vous vous en doutiez). Ceci dit, c’est une ville très intéressante qui vaut la visite.
Le temps nous étant compté, on remet dès le lendemain le cap sur l’Espagne. Ce sera un trajet Fès - Meknès - Rabat - Tanger sans escale. De toutes façons, on n’a guère le choix puisque les corridors sont imposés (cf. plus haut). Petite escale technique à Tanger (essence détaxée), retraversée du détroit, recontrôle de Gibraltar, re CAVOK.
Sévilla ! Dommage que ce soit si loin, on irait bien plus souvent. D’abord, c’est tout propre et bien repeint. On sent que l’exposition universelle (1992) a laissé des traces ! En plus, c’est magnifique ! L’Alcazar et la Giralda, ça vous dit quelque chose, non ! On s’offre même un tour de calèche ; c’est quand même nettement plus confortable et moins bruyant que le Robin et, pour avoir un aperçu de la ville, c’est beaucoup plus pratique. Par contre, ça sent davantage la crotte. Quoique, le Robin, après 6 jours de vol...
Reste qu’il nous faut le lendemain prendre une difficile décision : visite du Portugal ou retour vers la France. Palabres, discussions....De toutes façons, la météo met tout le monde d’accord : une perturbation étant annoncée d’ici 24 heures sur le sud de la France, on décide de rentrer avant d’être bloqués. Donc, cap sur Zaragoza (Saragosse), ce qui amène à traverser tout le centre de l’Espagne.
C’est très long et surtout désertique et on souhaite ne pas avoir besoin d’un déroutement rapide. S’il n’y avait pas le cheminement qui permet de contourner Madrid et un niveau soutenu de turbulences, on pourrait facilement céder au sommeil. Ah ! si, j’oubliais, on a failli percuter un aigle non signalé par le contrôle. C’est évidemment lui qui nous a vus le premier (la fameuse vue d’aigle !). On se demande ce qu’il faisait à traîner 5000 ft au-dessus du sol. A propos, qu’est-ce que ça donne aigle contre DR 400 ? Le manuel de vol ne dit rien là dessus.
Saragoza ! C’est un terrain militaire qui comprend 2 pistes décalées de 3600 mètres avec plein de F-16 alignés tout autour. Il paraît que c’est le plus grand terrain militaire d’Europe. Nous, on veut bien le croire parce qu’il nous a quand même fallu rouler 15 minutes après l’atterrissage pour rejoindre le parking !
En dehors de son aérodrome, Zaragoza ne constitue certainement pas une des attractions touristiques majeures de l’Espagne et c’est sans regrets que le lendemain nous prenons la route de Carcassonne bien décidés à franchir les Pyrénées. Cap sur le terrain d’Andorre donc (Seo de Urgel pour être précis) que les 3 GPS décident de situer au même endroit (on s’en étonne encore !). On le survole sans y atterrir mais on retient que ce sera sans doute une de nos prochaines destinations. Pourquoi pas une sortie club ? On enfile les hautes vallées Pyrénéennes sans erreur majeure, et on se faufile sous la couche pour se poser sans plus de problèmes à Carcassonne. Il n’y a plus de Pyrénées !
Le retour sur le Versoud ne sera plus qu’une formalité si l’on excepte la zone de Valence. Là, je reconnais qu’on a fait une erreur. Pensez donc ! On a voulu faire du zèle et prévenir le contrôleur qu’on allait passer en dehors et à l’est de sa TMA, le long du Vercors.
Que croyez-vous qu’il répondit ?
Qu’il y avait un NOTAM, que c’est pas parce qu’on venait d’Espagne qu’on devait l’ignorer, que ceci, que cela.....Notez bien qu’on a jamais su quel était le NOTAM en question parce que brutalement cette engueulade s’est interrompue pour laisser place à des messages enregistrés annonçant que le contrôle était fermé ! C’est comme cela qu’on a pu régler nos montres : midi !
Pas de doutes, on était bien revenus en France !
René Clément
Photos : La Triade